5e Dimanche après Pâques


Jésus monte au Ciel. Il ne nous laisse pas orphelins. Dans le Ciel, Il nous prépare une place.
Ô Roi de gloire, qui aujourd’hui êtes monté triomphant au-dessus de tous les cieux, ne nous laissez pas orphelins; mais envoyez-nous l’Esprit de vérité, selon la promesse du Père.

Jésus est monté aux cieux. Sa divinité n’en avait jamais été absente, mais aujourd’hui Son humanité y est intronisée, elle y est couronnée d’un diadème de splendeur; et c’est là encore une nouvelle face du glorieux mystère de l’Ascension. À cette humanité sainte le triomphe ne suffisait pas; le repos lui était préparé sur le trône même du Verbe éternel auquel elle est unie éternellement dans une même personnalité, et c’est du haut de ce trône qu’elle doit recevoir les adorations de toute créature. Au nom de Jésus Fils de l’homme et Fils de Dieu, de Jésus assis à la droite du Père tout puissant, «tout genou doit fléchir au ciel, sur la terre et dans les enfers» (Phil. 2, 40).

Habitants de la terre, c’est là cette nature humaine qui apparut autrefois dans l’humilité des langes, qui parcourut la Judée et la Galilée n’ayant pas où reposer sa tête, qui fut enchaînée par des mains sacrilèges, flagellée, couronnée d’épines, clouée à une croix ; mais tandis que les hommes qui l’avaient méconnue la foulaient aux pieds comme un ver de terre, elle acceptait le calice des douleurs avec une entière soumission et s’unissait à la volonté du Père ; elle consentait, devenue victime, à réparer la gloire divine en donnant tout son sang pour la rançon des pécheurs. Cette nature humaine, issue d’Adam par Marie l’immaculée, est le chef d’œuvre de la puissance de Dieu. Jésus, «le plus beau des enfants des hommes (Psalm. 44),» est l’objet de l’admiration extatique des Anges; sur lui se sont reposées les complaisances de la suprême Trinité; les dons de la grâce déposés en lui surpassent ce qui a été accordé à tous les hommes et à tous les esprits célestes ensemble; mais Dieu l’avait destiné à la voie de l’épreuve, et Jésus qui aurait pu racheter l’homme à moins de frais, s’est plongé volontairement dans une mer d’humiliations et de douleurs, afin de payer avec surabondance la dette de ses frères. Quelle sera la récompense? l’Apôtre nous le dit dans ces fortes paroles: «Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix; à cause de cela Dieu L’a exalté, et Lui a donné un nom qui est au‑dessus de tout nom (Philip. 2)

O vous donc qui compatissez ici-bas aux douleurs par lesquelles Il nous a rachetés, vous qui aimez à Le suivre dans les stations de Son pèlerinage jusqu’au Calvaire, levez la tête aujourd’hui, et regardez au plus haut des cieux. Le voici, «parce qu’Il a souffert la mort, Le voici couronné de gloire et d’honneur (Heb. 2, 9). Plus Il S’est anéanti sous la forme d’esclave, Lui qui dans Son autre nature pouvait sans injustice Se dire égal à Dieu (Philip, 2, 6, 7)»; plus le Père prend plaisir à L’élever en gloire et en puissance. La couronne d’épines qu’Il a portée ici-bas est remplacée par le diadème d’honneur (Psalm. 20). La croix qu’Il laissa imposer sur Son épaule est désormais le signe de Sa principauté (Isaïe 12). Les plaies que les clous et la lance ont imprimées sur Son corps resplendissent comme des soleils. Gloire soit donc rendue à la justice du Père envers Jésus Son Fils! mais réjouissons-nous aussi de voir en ce jour «l’Homme des douleurs (Ibid. 53)» devenu le Roi de gloire, et répétons avec transport l’Hosannah que la cour céleste fait retentir à Son arrivée.

Toutefois n’allons pas croire que le Fils de l’homme établi désormais sur le trône de la divinité reste inactif dans Son glorieux repos. C’est une souveraineté, mais une souveraineté active que le Père Lui a concédée. Il L’a d’abord établi «Juge des vivants et des morts (Act. 10, 42), et nous devons tous comparaître devant Son tribunal (Rom. 14, 10). » À peine notre âme aura-t-elle quitté son corps, qu’elle se trouvera transportée au pied de ce tribunal sur lequel le Fils de l’homme S’est assis aujourd’hui, et elle entendra sortir de Sa bouche la sentence qu’elle aura méritée. O Sauveur couronné en ce jour, soyez-nous miséricordieux à cette heure décisive pour notre éternité.

Mais la judicature exercée parle Seigneur Jésus ne se bornera pas à l’exercice silencieux de ce souverain pouvoir; les Anges nous l’ont dit aujourd’hui: il doit se montrer de nouveau à la terre, redescendre à travers les airs, ainsi qu’il est monté, et alors se tiendront les solennelles assises où le genre humain comparaîtra tout entier. Assis sur les nuées du ciel, entouré des milices angéliques, le Fils de l’homme apparaîtra à la terre dans toute sa majesté. Les hommes verront « Celui qu’ils ont percé (Zach. 12, 10)», et les traces de ses blessures, qui ajouteront encore à sa beauté, seront pour les uns un objet de terreur et pour les autres la source d’ineffables consolations. Pasteur encore sur son trône aérien, il séparera ses brebis des boucs, et sa voix souveraine que la terre ne connaissait plus depuis tant de siècles, retentira pour commander aux pécheurs impénitents de descendre aux enfers, et pour inviter les justes à venir occuper, en corps et en âme, le séjour des délices éternelles.

En attendant ce dénouement final des destinées de la race humaine, Jésus reçoit aussi du Père, en ce jour, l’investiture visible du pouvoir royal sur toutes les nations de la terre. Nous ayant tous rachetés au prix de son sang, nous sommes à lui; qu’il soit donc désormais notre Seigneur. Il l’est en effet, et il s’intitule le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs (Apoc. 19, 16). Les rois de la terre ne règnent légitimement que par lui, et non par la force, ou en vertu d’un prétendu pacte social dont la sanction ne serait que d’ici-bas. Les peuples ne s’appartiennent pas à eux-mêmes : ils sont à lui. Sa loi ne se discute pas; elle doit planer au-dessus de toutes les lois humaines comme leur règle et leur maîtresse : « Les nations frémiront sous son sceptre, nous dit le Roi‑prophète ; les peuples, pour lui échapper, méditeront de vains systèmes; les princes de la terre se ligueront contre lui ; ils diront : Brisons son joug, et jetons-le loin de nous (Psalm. 2). » Inutiles efforts ! car, ainsi que nous le dit l’Apôtre, «il faut qu’il règne, jusqu’à ce qu’il ait mis tous ses ennemis sous les pieds (I Cor. 15, 25)», jusqu’à ce qu’il apparaisse une seconde fois pour abattre la puissance de Satan et l’orgueil des hommes.

Ainsi donc, le Fils de l’homme couronné dans son Ascension doit régner sur le monde jusqu’à ce qu’il revienne. Mais, direz-vous, règne-t-il donc dans un temps où les princes confessent tenir leur autorité du mandat de leurs peuples, où les peuples séduits par ce prestige qu’ils nomment liberté ont perdu jusqu’au sens même de l’autorité? Oui, il règne, mais dans la justice, puisque les hommes ont dédaigné d’être conduits par sa bonté. Ils ont effacé sa loi de leurs codes, ils ont accordé droit de cité à l’erreur et au blasphème ; alors il les a livrés à leur sens absurde et mensonger. Chez eux le pouvoir éphémère, que l’onction sainte ne rend plus sacré, échappe à tout moment aux mains qui s’efforcent de le retenir, et lorsque les peuples, après avoir roulé dans les abîmes de l’anarchie, essayent de le constituer de nouveau, c’est pour le voir crouler encore, parce que princes et peuples veulent se tenir en dehors du domaine du Fils de l’homme. Et il en sera ainsi, jusqu’à ce que princes et peuples, lassés de leur impuissance, le rappellent pour régner sur eux, jusqu’à ce qu’ils aient repris la devise de nos pères : «Le Christ est vainqueur! le Christ règne! le Christ commande! Daigne le Christ préserver Son peuple de tout malheur!» En ce jour de votre couronnement, recevez donc les hommages de vos fidèles, ô notre souverain Roi, notre Seigneur et notre juge! nous qui fûmes par nos péchés les auteurs de vos humiliations et de vos souffrances dans le cours de votre vie mortelle, nous nous unissons aux acclamations que firent entendre les Esprits célestes au moment où le diadème royal fut placé sur votre divin Chef. Nous ne faisons encore qu’entrevoir vos grandeurs; mais l’Esprit-Saint que vous nous avez promis achèvera de nous révéler tout ce que nous pouvons connaître ici-bas sur votre souverain pouvoir, dont nous voulons être à jamais les humbles et fidèles sujets.


L’Introït, tiré du Psautier, exprime le désir que ressent la sainte Église de revoir son Époux qui s’est enfui loin d’elle. L’âme fidèle partage ce sentiment, et s’unit à la mère commune pour dire comme elle à l’Emmanuel: «Mon cœur vous le dira, je veux revoir vos traits divins; offrez-les bientôt à ma vue.»

Introït

Exaucez ma prière, Seigneur, accueillez le cri que je pousse vers vous, alleluia. Mon cœur vous dit: J’ai cherché votre visage, Seigneur; je ne cesserai de le chercher: daignez ne pas le détourner de moi, alleluia, alleluia. — Ps. Le Seigneur est ma lumière et mon salut: que craindrai-je? ℣. Gloire au Père. Exaucez, etc.

Dans la Collecte, l’Église nous apprend à demander à Dieu cette bonne volonté qui nous rendra dignes de revoir Jésus, par notre zèle à servir la divine Majesté.

Collecte

Oraison. — Dieu tout-puissant et éternel, faites que notre volonté vous soit toujours dévouée, et que nous servions votre Majesté d’un cœur sincère. Par Jésus-Christ... Ainsi soit-il.

Épître

Lecture de l’Épître de saint Pierre Apôtre, Chap. I, chap. 4.
Mes bien-aimés, soyez prudents et veillez dans la prière; mais avant tout, ayez une charité persévérante les uns envers les autres: car la charité couvre la multitude des péchés. Exercez entre vous l’hospitalité sans murmurer. Que chacun se rende utile aux autres, selon la grâce qu’il a reçue, comme étant de fidèles dispensateurs des diverses grâces de Dieu. Si quelqu’un parle, que ce soit comme des paroles de Dieu; si quelqu’un exerce un ministère, que ce soit comme par la vertu que Dieu lui donne ; afin qu’en toutes choses Dieu soit honoré par Jésus-Christ notre Seigneur.

Réflexion sur l'Épître

Tandis que les disciples sont réunis dans le Cénacle, n’ayant qu’un cœur et qu’une âme, et attendant la venue de l’Esprit-Saint, le prince des Apôtres qui présidait cette assemblée sainte se tourne vers nous qui attendons ici-bas la même faveur, et nous recommande la charité fraternelle. Il nous promet que cette vertu couvrira la multitude de nos péchés; quelle heureuse préparation pour recevoir le don divin! L’Esprit-Saint arrive afin d’unir les hommes en une seule famille; arrêtons donc toutes nos discussions, et préparons-nous à la fraternité universelle qui doit s’établir dans le monde à la prédication de l’Évangile. En attendant la descente du Consolateur promis, l’Apôtre nous dit que nous devons être prudents et veiller dans la prière. Recevons la leçon: la prudence consistera à écarter de nos cœurs tout obstacle qui repousserait le divin Esprit; quant à la prière, c’est elle qui les ouvrira, afin qu’il les reconnaisse et s’y établisse.

Des deux Versets de l’Alleluia, l’un est emprunté à David, et célèbre la majesté de Jésus sur Son trône royal; l’autre est formé des paroles mêmes du Sauveur qui nous promet Son retour à la fin des temps, lorsqu’Il viendra réclamer Ses élus.

Alléluia, alleluia.

℣. Le Seigneur règne sur toutes les nations: Dieu s’est assis sur son trône de sainteté. Alléluia. ℣. Je ne vous laisserai pas orphelins: Je M’en vais, mais Je reviendrai à vous, et votre cœur sera dans la joie, alleluia.

Évangile

Suite du S. Évangile s. S. Jean 15.
En ce temps-là, Jésus dit à Ses disciples: Lorsque viendra le Consolateur que Je vous enverrai du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, Il rendra témoignage de Moi; et vous aussi vous rendrez témoignage, parce que vous êtes avec Moi depuis le commencement. Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés. Ils vous chasseront des synagogues; et vient l’heure où quiconque vous tuera croira rendre service à Dieu. Et ils vous traiteront ainsi, parce qu’ils ne connaissent ni le Père, ni Moi. Je vous ai dit ces choses, afin que lorsque l’heure sera venue, vous vous souveniez que Je vous les ai dites.

Réflexion sur l'Évangile

À la veille de nous envoyer son Esprit, Jésus nous annonce les effets que ce divin Consolateur produira dans nos âmes. S’adressant aux Apôtres dans la dernière Cène, il leur dit que cet Esprit leur rendra témoignage de lui, c’est-à-dire qu’il les instruira sur la divinité de Jésus et sur la fidélité qu’ils lui doivent, jusqu’à mourir pour lui. Voilà donc ce que produira en eux cet hôte divin que Jésus, près de monter aux cieux, leur désignait en l’appelant la Vertu d’en haut. De rudes épreuves les attendent ; il leur faudra résister jusqu’au sang. Qui les soutiendra, ces hommes faibles ? L’Esprit divin qui sera venu se reposer en eux. Par lui ils vaincront, et l’Évangile fera le tour du monde. Or, il va venir de nouveau, cet Esprit du Père et du Fils ; et quel sera le but de sa venue, sinon de nous armer aussi pour le combat, de nous rendre forts pour la lutte ? Au sortir de la Saison pascale, où les plus augustes mystères nous illuminent et nous protègent, nous allons retrouver en face le démon irrité, le monde qui nous attendait, nos passions calmées un moment qui voudront se réveiller. Si nous sommes « revêtus de la Vertu d’en haut », nous n’aurons rien à craindre; aspirons donc à la venue du céleste Consolateur, préparons-lui en nous une réception digne de sa majesté; quand nous l’aurons reçu, gardons-le chèrement ; il nous assurera la victoire, comme il l’assura aux Apôtres.

(Dom Prosper Guéranger, L'Année Liturgique)