Vendredi saint - Office du matin

EN SOUVENIR DE LA PASSION ET DE LA MORT DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST


Agonie de Jésus au jardin des Oliviers, tableau O.D.M.

Cantique: JÉSUS AGONISANT

1
C’est moi qui suis le coupable
Et Jésus est l’innocent.
Ah! que je suis misérable!
Je le dis en soupirant.
Jésus voit la mort affreuse
Qui vient d’un air menaçant,
Pour être victorieuse,
Quoiqu’Il soit le Tout-Puissant.
2
Il voit toutes les offenses
De l’homme méconnaissant,
Le mépris de Ses souffrances,
De Sa mort et de Son sang.
Il Se prévoit dans l’outrage
Même au Très Saint-Sacrement,
Qu’Il doit nous laisser pour gage,
De Son amour très ardent.
3
A cette vue, Il S’écrie
D’une languissante voix:
O Mon Père, Je Vous prie
De M’exempter de ces croix.
Mais ce Sauveur débonnaire,
Tout rempli de charité,
Dit: Mon Père, Je veux faire
Votre sainte Volonté.
4
Dans cette agonie étrange,
Lorsqu’Il est prêt d’expirer,
Ce grand Dieu souffre qu’un ange
Vienne pour Le rassurer.
Oh! chrétiens, qui peut comprendre
La grandeur de Son tourment
Voyez-vous Son corps tout tendre
Suer des gouttes de sang?
5
Serons-nous donc insensibles,
Ne serons-nous point touchés
En voyant les maux terribles
Que Lui causent nos péchés?
O Jésus très pitoyable,
D’où vient que Vous souffrez tant,
Car Vous n’êtes point coupable,
Mais juste, et très innocent?
6
Jésus, priez Votre Père
Qu’Il ait pitié de nous tous,
Ou qu’Il montre Sa colère
Plutôt sur nous que sur Vous.
Ayons toujours en mémoire
Ce très aimable Sauveur.
Le mépris soit notre gloire,
Et la souffrance un bonheur!
7
O Jésus très pitoyable
Par les injustes mépris,
Voyez d’un oeil favorable
À Vos pieds des coeurs contrits.
C’est moi qui suis le coupable
Et Jésus est l’innocent.
Ah! que je suis misérable!
Je le dis en soupirant.
(Saint Louis-Marie de Montfort)

Lecture du saint Évangile

LA PASSION DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST

I. — DU CÉNACLE À GETHSÉMANI

(Saint Matthieu 26, 30-35; Saint Marc 14, 26-31; Saint Luc 22, 39; Saint Jean 18, 1.)
Après ces paroles, Jésus récita l’hymne d’action de grâces; puis Il sortit et, selon Sa coutume, Il Se dirigea de l’autre côté du Cédron, vers le mont des Oliviers.
Alors Il dit à Ses Disciples qui Le suivaient:
«Cette nuit même, Je serai votre scandale, et tous vous succomberez, car il est écrit: «Je frapperai le Pasteur et les brebis du troupeau seront dispersées.» Mais, après que Je serai ressuscité, Je vous précéderai en Galilée.»
Pierre se récria:
«Et quand même tous se scandaliseraient à Votre sujet, moi, jamais je ne serai scandalisé!
— Aujourd’hui, cette nuit même, reprit Jésus, avant le deuxième chant du coq, tu M’auras renié trois fois. Je te le déclare en vérité.»
Et Pierre de protester avec un redoublement d’énergie:
«Quand il me faudrait mourir avec Vous, je ne Vous renierai point!»
Tous les autres tinrent le même langage.

Agonie de Jésus au jardin des Oliviers, tableau O.D.M.

II. — GETHSÉMANI

(Saint Matthieu 26, 36-46; Saint Marc 14, 32-42; Saint Luc 22, 40-46; Saint Jean 18, 1.)
De l’autre côté du torrent du Cédron se trouvait une villa, avec un jardin, du nom de Gethsémani. Jésus y entra avec Ses Disciples. Comme Il y venait souvent prier avec eux, ce lieu était connu de Judas, qui Le trahissait.
Alors Jésus dit à Ses Disciples:
«Asseyez-vous ici, pendant que J’irai plus loin pour prier. Priez vous-mêmes, pour ne point entrer dans la tentation.»
Il prit seulement avec Lui Pierre et les deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, et Il commença à être saisi d’effroi et de dégoût, de tristesse et d’angoisses.
«Mon âme est triste jusqu’à la mort, disait-Il; demeurez ici et veillez avec Moi.»
Puis, Il S’éloigna d’eux, à la dis­tance d’environ un jet de pierre et, S’étant agenouillé la face contre terre, Il pria pour que, s’il se pouvait, l’heure qui allait venir passât loin de Lui.
«Mon Père, disait-Il, s’il est possible! et tout Vous est possible, éloignez de Moi ce calice. Cependant, que Votre Volonté se fasse, et non la Mienne!»
Il interrompit Sa prière, pour aller vers Ses Disciples; Il les trouva qui dormaient, accablés par la tristesse.
«Simon, tu dors!» dit-Il à Pierre. Tu n’as donc pu veiller une heure avec Moi!»
Puis, S’adressant aux deux autres:
«Quoi! vous dormez! ainsi, vous n’avez pu veiller une heure avec Moi!... Levez-vous, veillez et priez pour ne pas entrer en tentation; car, si l’esprit est prompt, la chair est faible.»
De nouveau Il S’éloigna et reprit la même prière:
«Mon Père! si ce calice ne peut passer sans que Je le boive, que Votre Volonté s’accomplisse!»
Il revint encore vers Ses Disciples: Il les trouva dormant toujours; leurs yeux étaient appesantis par le sommeil et ils ne savaient ce qu’ils Lui répondaient.
Les ayant laissés, Il S’en alla et pria pour la troisième fois, redisant les mêmes paroles.
Il était tombé en agonie et Sa prière se faisait de plus en plus pressante. Il Lui vint une sueur, comme de gouttes de sang, ruisselant jusqu’à terre. Alors un Ange, venu du ciel, Lui apparut et Le fortifia.
Une troisième fois, Il retourna vers Ses Disciples:
«Dormez maintenant, leur dit-Il, et reposez-vous!... Mais, c’est assez!... L’heure est venue!... Voici que le Fils de l’Homme va être livré aux mains des pécheurs... Levez-vous!... Allons!... Celui qui doit Me trahir approche!...

III. — LE TRAÎTRE

(Saint Matthieu 26, 47-50; Saint Marc 14, 43-45; Saint Luc 22, 47-48; Saint Jean 18, 3.)
Il parlait encore lorsque parut Judas Iscariote, l’un des Douze. Il était accompagné d’une cohorte. En outre, les souverains Pontifes, les Princes des prêtres, les Scribes, les Anciens du peuple et les Pharisiens avaient envoyé leurs valets avec des lanternes, des torches et des armes. Tout autour s’agitait une foule nombreuse, munie d’épées et de bâtons.
Or le traître leur avait donné ce signe:
«Celui que je baiserai, c’est Lui! Saisissez-Le et prenez vos précautions pour L’emmener.»
Judas s’avança donc... puis, hâtivement il s’approcha de Jésus:
«Salut, Maître!» Lui dit-il.
Et il Le baisa...
«Ami, lui dit Jésus, qu’es-tu venu faire?... Judas!... Tu trahis le Fils de l’Homme par un baiser!...»

IV. — L’ARRESTATION

(Saint Matthieu 26, 50-56; Saint Marc 14, 46-52; Saint Luc 22, 49-53: Saint Jean 18, 4-12.)
Jésus, sachant tout ce qui devait Lui arriver, Se présenta devant les satellites et leur dit:
«Qui cherchez-vous?
— Jésus de Nazareth!» crièrent-ils.
Il répondit:
«C’est Moi!»
Au milieu d’eux se tenait Judas, qui Le trahissait.
Dès que Jésus leur eut dit: «C’est Moi!» ils reculèrent et tombèrent à la renverse.
De nouveau, Jésus leur demanda:
«Qui cherchez-vous?
— Jésus de Nazareth!» répétèrent-ils.
«Je vous l’ai dit: c’est Moi! reprit Jésus. Puisque c’est Moi que vous cherchez, laissez aller ceux-ci.»
Ainsi s’accomplissait la parole que Lui-même avait dite: «De ceux que Vous M’avez donnés, Je n’en ai perdu aucun.»
Les hommes de la cohorte s’approchèrent aussitôt, mirent la main sur Jésus et s’assurèrent de Lui.
Pressentant ce qui allait advenir, ceux qui L’entouraient s’écrièrent:
«Seigneur! si nous frappions de l’épée?»
Et, sans attendre la réponse, Simon-Pierre qui avait une épée, la tira du fourreau, en frappa un valet du Grand-Prêtre, et lui coupa l’oreille droite. Ce valet se nommait Malchus.
«Laissez cet homme venir jus­qu’ici», dit Jésus.
Puis Il toucha son oreille et le guérit.
S’adressant alors à Pierre:
«Remets ton épée dans le fourreau, car tous ceux qui prendront l’épée, périront par l’épée... Ne faut-il pas que Je boive le calice que Mon Père M’a donné?... Crois-tu que Je ne puisse invoquer Mon Père, qui M’enverrait aussitôt plus de douze légions d’anges?... Mais comment s’accompliraient les Écritures, qui annoncent qu’il en doit être ainsi?...»
Se tournant ensuite vers la troupe, au milieu de laquelle se trouvaient des Princes des prêtres, des Gardes du Temple et des Anciens:
«Pour Me prendre, leur dit-Il, vous êtes venus avec des épées et des bâtons, comme si J’étais un brigand. Cependant, tous les jours, Je Me tenais assis au milieu de vous, pour enseigner dans le Temple, et vous n’avez pas mis la main sur Moi. Mais maintenant, c’est votre heure, c’est l’heure de la puissance des ténèbres.
«Or, tout ceci s’est fait pour l’accomplissement de ce qui est écrit dans les Prophètes.»
Alors les hommes de la cohorte, leur Commandant, et les satellites des Juifs se jetèrent sur Jésus et Le garrottèrent.
En ce moment, Ses Disciples, tous à la fois, L’abandonnèrent et s’enfuirent. Un jeune homme qui était là, couvert seulement d’un drap, voulut suivre Jésus; les satellites le saisirent; mais, laissant le drap entre leurs mains, il s’échappa ainsi.

V. — JÉSUS DEVANT ANNE

(Saint Matthieu 26, 57-58; Saint Marc 14, 53-54; Saint Luc 22, 54; Saint Jean 18, 13-16, 19-24.)
S’étant saisis de Jésus, ils Le conduisirent d’abord chez Anne. C’était le beau-père de Caïphe, Grand-Prêtre de cette année-là.
Simon-Pierre avait suivi Jésus de loin, ainsi qu’un autre Disciple. Cet autre Disciple, qui était connu du Pontife, était entré, avec Jésus, dans le vestibule du palais. Pierre était resté dehors, debout près de la porte. Le Disciple connu du Pontife sortit alors, parla à la portière et le fit entrer.
Le Pontife interrogea Jésus sur Ses Disciples et sur Sa Doctrine.
«J’ai parlé publiquement au monde, répondit Jésus. Toujours J’ai enseigné dans les synagogues et dans le Temple, où tous les Juifs s’assemblent, et Je n’ai rien dit en secret. Pourquoi M’interrogez-vous? Interrogez ceux qui M’ont entendu; ceux-là savent ce que J’ai dit.»
Sur cette réponse, un des valets qui étaient de service donna un soufflet à Jésus:
«Est-ce ainsi, Lui cria-t-il, que Tu parles au Grand-Prêtre?
— Si J’ai mal parlé, dit Jésus, montre en quoi J’ai eu tort; mais si J’ai bien parlé, pourquoi Me frappes-tu?»
Anne ordonna que Jésus fût conduit, avec Ses chaînes, au Grand-Prêtre Caïphe. C’était celui-là même qui avait donné ce conseil aux Juifs: «Qu’il est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple.»

VI. — JÉSUS DEVANT CAIPHE

(Saint Matthieu 26, 59-66; Saint Marc 14, 53, 55-64.)
Tous les Prêtres, les Scribes et les Anciens du peuple s’étaient rassemblés chez Caïphe.
Or les Grands-Prêtres et tout le Conseil cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour Le faire mourir, et ils n’en trouvaient point. Plusieurs, il est vrai, avaient fait de mensongères dépositions; mais leurs témoignages étaient contradictoires.
Les deux derniers qui se présentèrent, déposèrent ainsi:
«Nous Lui avons entendu dire: «Je puis détruire ce temple, bâti de la main des hommes et, en trois jours, en rebâtir un autre qui ne sera pas fait par la main des hommes.»
Toutefois leurs assertions ne s’accordaient point.
Alors le Grand-Pontife, se levant au milieu de l’assemblée, voulut lui-même interroger Jésus:
«N’as-Tu rien à répondre, Lui demanda-t-il, à ce que ceux-ci déposent contre Toi?»
Jésus garda le silence et ne donna aucune réponse.
Le Grand-Pontife Lui posa encore cette question:
«Es-Tu le Christ? le Fils du Dieu béni? Dis-le-nous! Je T’en adjure par le Dieu vivant!
— Tu l’as dit, Je le suis!... répondit Jésus. Et, Je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l’Homme, assis à la droite de la Puissance divine et venant sur les nuées du ciel.»
Alors le Grand-Pontife déchira ses vêtements.
«Il a blasphémé! s’écria-t-il. Qu’avons-nous encore besoin de témoins?... Vous avez entendu le blasphème: que vous en semble?»
Et tous de répondre:
«Il mérite la mort!»

VII. — RENIEMENT DE PIERRE

(Saint Matthieu 26, 58, 69-75; Saint Marc 14, 54, 66-72; Saint Luc 22, 55-62; Saint Jean 18, 17-18, 25-27.)
Il faisait froid. Les satellites et les valets avaient allumé du feu au milieu de la cour et, rangés autour du brasier, assis ou debout, ils se chauffaient. Pierre s’était assis au milieu d’eux et il se chauffait, attendant l’issue de cette affaire.
Survint la servante du Pontife, chargée de garder la porte. Ayant aperçu l’Apôtre qui se chauffait, elle s’approcha de lui et le considéra avec attention.
«En voici un, dit-elle, qui était avec le Nazaréen.»
Puis, le regardant bien en face:
«Oui, tu étais avec Jésus de Galilée!»
Pierre le nia devant tout le monde:
«Femme, je ne Le connais pas!... je ne sais... je ne puis comprendre ce que tu dis.»
Alors, il sortit de la cour, se dirigeant vers le vestibule; mais, comme il y arrivait, une autre servante le remarqua et cria aux valets:
«Celui-ci était certainement avec Jésus de Nazareth!»
Un instant après, un serviteur le rencontre:
«Et toi aussi, lui dit-il, tu es de ces gens-là?»
A ce moment le coq chanta.
Pierre revient auprès du foyer et, se tenant debout, il se remet à se chauffer.
«N’étais-tu pas de Ses Disciples?» lui demandent les valets.
Une seconde fois, il le nie avec serment:
«Non! vous dis-je, non! je ne connais aucunement cet homme!»
Environ une heure après, ceux qui étaient là, lui dirent:
«Assurément, tu es de la bande, car tu es de Galilée: ton langage te trahit.»
L’un des valets du Pontife, parent de celui à qui Pierre avait coupé l’oreille, l’accusa à son tour:
«Ne t’ai-je pas vu dans le jardin avec Lui?»
Pierre le nia encore, et il se mit à faire des imprécations, à multiplier les serments et les protestations:
«Non! répéta-t-il, je ne connais pas cet homme-là: je ne sais ce que vous voulez dire!»
Et le coq chanta pour la seconde fois.
Jésus passait au même moment. Il Se tourna vers Pierre et Il arrêta sur lui Son regard.
Alors Pierre se ressouvint de la parole que le Seigneur lui avait dite: «Avant que le coq ne chante deux fois, tu Me renieras trois fois.»
Il sortit et, une fois dehors, il fondit en larmes amères.

Jésus au cachot, tableau O.D.M.

VIII. — LES OUTRAGES DES VALETS ET DES SATELLITES

(Saint Matthieu 26, 67-68; Saint Marc 14, 65; Saint Luc 22, 63-65.)
Et Jésus fut conduit au cachot des condamnés.
Alors, ceux qui étaient chargés de Le garder, se firent un jeu de Le meurtrir de coups. Ils Lui crachaient au visage, ils Lui couvraient les yeux d’un voile et L’accablant de soufflets:
«Christ! disaient-ils, devine qui T’a frappé?»
Ils Lui firent subir enfin toutes sortes d’outrages en vomissant contre Lui les plus abominables blasphèmes.

Jésus flagellé, tableau O.D.M.

Cantique: JÉSUS FLAGELLÉ

1
Allons tous dans le prétoire,
Le coeur touché de douleur,
Contempler le Roi de gloire
Maltraité comme un voleur.
Quatre bourreaux pleins de rage,
Comme des loups ravissants,
Lui tirent avec outrage
Tous Ses pauvres vêtements.
2
Cette insolente canaille,
Ayant dépouillé Jésus,
S’en divertit et s’en raille
Pour Le rendre plus confus!
On Le garrotte, on Le lie
Contre un infâme poteau!
On Lui dit par moquerie:
Le voyez-vous? Qu’Il est beau!
3
L’un a des cordes nouées,
L’autre a des chaînes de fer,
Et tous ont les mains armées
Comme des démons d’enfer.
O chose très étonnante!
Cette troupe de soldats,
Sur cette chair innocente,
Décharge à grands tours de bras.
4
Ils Le couvrent de blessures
Et Le déchirent de coups,
On ne voit que meurtrissures,
Que cicatrices, que trous.
Il n’en peut plus, ce bon Maître,
Son sang coule par ruisseaux!
Et Ses os se font paraître,
Sa chair tombant par lambeaux.
5
Hélas! Il est de faiblesse
Tombé dans Son propre sang,
Et cependant on ne cesse
De battre cet innocent.
O bourreaux impitoyables,
Arrêtez votre courroux;
C’est nous qui sommes coupables,
Frappez donc plutôt sur nous.
6
Considérez qu’Il endure
Cet effroyable tourment
Sans qu’Il S’en plaigne ou murmure,
Tant Son amour est ardent.
O Souveraine Clémence,
Voyez Jésus, Votre Fils!
Arrêtez Votre vengeance,
Ou que nous soyons punis.
7
Les bourreaux, de défaillance,
Ne peuvent plus Le frapper,
Mais par Son amour immense
Il n’est pas las d’endurer.
Pécheurs, ce sont nos offenses
Et nos sensualités
Qui causent tant de souffrances
A cet objet de pitié.
8
Viens-t’en, pécheur impudique,
Considérer la douleur
Que tu causes au Fils unique
Du Souverain Créateur.
Viens dans le sang de Ses veines
Rencontrer ta guérison,
Et n’augmente pas Ses peines
En suivant ta passion.
9
Faisons, faisons pénitence,
Pleurons ces maux nuit et jour,
Usons de reconnaissance,
Rendant amour pour amour.
O Sauveur tout débonnaire,
Par ce corps meurtri de coups,
Apaisez Votre colère
Et nous pardonnez à tous!
(Saint Louis-Marie de Montfort)

Lecture du saint Évangile (suite)

VENDREDI SAINT

IX. — JÉSUS DEVANT LE SANHÉDRIN

(Saint Matthieu 27, 1; Saint Marc 15, 1; Saint Luc 22, 66-71.)
À la naissance du jour, les membres du Conseil: Grands-Prêtres, Princes des prêtres sans exception, Scribes, Anciens du peuple, se réunirent en toute hâte, pleins de haine contre Jésus, et dans le dessein de Le condamner à mort. Ils Le firent comparaître devant leur assemblée, et Lui dirent:
«Déclare-nous si Tu es le Christ!
— Si Je vous le dis, vous ne Me croirez point, répondit Jésus. Si à Mon tour Je vous interroge, vous ne Me donnerez point de réponse et ne Me rendrez point la liberté. Et pourtant, désormais le Fils de l’Homme siégera à la droite de la Puissance de Dieu.»
Et tous ensemble:
«Tu es donc le Fils de Dieu?
— Vous le dites, Je le suis!» répondit Jésus.
Alors ils s’écrièrent:
«Qu’avons-nous encore besoin de témoignage? Nous venons de l’entendre de Sa propre bouche.»

X. — LES REMORDS ET LE SUICIDE DU TRAÎTRE

(Saint Matthieu 27, 3-10.)
Voyant que Jésus était condamné, Judas, le traître, poussé par le remords, rapporta aux Princes des prêtres et aux Anciens les trente pièces d’argent.
«J’ai péché, dit-il, en livrant le sang du Juste!
— Que nous importe? C’est ton affaire!»
Là-dessus, Judas jette les pièces d’argent dans le Temple, il sort et va se pendre.
Les Princes des prêtres ramassèrent l’argent.
«Il n’est point permis, dirent-ils, de le verser dans le Trésor, parce que c’est le prix du sang.»
Plus tard, après en avoir conféré ensemble, ils achetèrent, de cette somme, le champ d’un potier, pour la sépulture des étrangers. C’est pourquoi ce champ fut appelé, dans leur langue: Haceldama, c’est-à-dire le Champ du Sang, nom qui lui est resté jusqu’à ce jour.
Ainsi fut réalisé l’oracle du Prophète: «Ils ont pris les trente pièces d’argent, prix auquel fut estimé, par les Fils d’Israël, Celui dont ils ont supputé la valeur. Et ils les ont données pour le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a fait voir.»

XI. — JÉSUS DEVANT PILATE

(Saint Matthieu 27, 2, 11-14; Saint Marc 15, 1-5; Saint Luc 23, 1-4; Saint Jean 18, 28-38.)
Dès que Jésus Se fut déclaré le Fils de Dieu, tous les membres du Conseil se levèrent en foule et, après L’avoir fait garrotter, ils L’emmenèrent pour Le livrer au Gouverneur Ponce-Pilate.
On était encore au matin. Les Juifs n’entrèrent point dans le prétoire, dans la crainte de contracter une souillure légale et de ne pouvoir manger la Pâque.
Pilate vint donc à eux sur le seuil de son prétoire; il leur demanda:
«Quelle accusation portez-vous contre cet homme?»
Ils répondirent:
«Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne vous L’aurions pas livré.
— Prenez-Le vous-mêmes alors, dit Pilate, et jugez-Le selon votre Loi.
— Il ne nous est plus permis d’infliger la peine de mort à personne», repartirent les Juifs.
Il fallait en effet que s’accomplît la parole de Jésus, annonçant de quelle mort Il devait mourir.
Et les Juifs commencèrent à formuler leurs accusations:
«Cet homme, nous L’avons trouvé bouleversant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et S’arrogeant le titre de Christ-Roi.»
Pilate rentra dans le prétoire et fit venir Jésus, qui Se tint debout devant lui:
«Est-ce que Tu es le Roi des Juifs? Lui demanda-t-il.
— Parles-tu de toi-même, lui dit Jésus, ou d’après ce que d’autres t’ont rapporté de Moi?
— Est-ce que je suis Juif, moi? répliqua Pilate. Ta nation, Tes prêtres Te traduisent à mon tribunal: qu’as-Tu fait?
— Ma royauté, répondit Jésus, ne vient pas de ce monde. Si Ma royauté venait de ce monde, Mes hommes n’auraient pas manqué de combattre, pour M’éviter de tomber entre les mains des Juifs. Non, pour l’heure présente, Mon Royaume n’est pas d’ici.
— Tu es donc Roi? fit Pilate.
— Tu le dis, Je suis Roi!... Je suis né, Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est du parti de la Vérité entend Ma voix.
— Qu’est-ce que la vérité?» dit le Gouverneur.
Et, sur cette question, il retourna dehors, vers les Princes des prêtres et la foule des Juifs et leur dit:
«Je ne trouve, en cet homme, aucun sujet de condamnation.»
Alors les Princes des prêtres et les Anciens multiplièrent leurs accusations; Jésus gardait le silence.
«N’entends-Tu pas, s’écria Pilate, combien de témoignages ils accumulent contre Toi? N’as-Tu rien à répondre?»
Mais Jésus ne lui adressa pas même un seul mot, ce qui causa au Gouverneur un profond étonnement.

XII. — JÉSUS DEVANT HÉRODE

(Saint Luc 23, 5-12.)
Cependant les Juifs insistaient avec véhémence, et criaient:
«Il soulève le peuple par les doctrines qu’Il sème, depuis la Galilée, où Il a commencé, jusque dans toute la Judée, et même jusqu’ici.»
Pilate entendant nommer la Galilée, demanda si cet homme était Galiléen. Dès qu’il eut appris que Jésus était de la juridiction d’Hérode, il Le renvoya devant ce prince, qui se trouvait alors à Jérusalem.
Hérode, en voyant Jésus, éprouva une vive satisfaction. Depuis longtemps il désirait Le connaître, à raison de tout ce qu’on lui avait rapporté de Lui, et parce qu’il espérait Lui voir opérer quelque prodige.
Il se mit donc à Lui poser une multitude de questions.
Jésus ne lui répondit rien.
Or, les Princes des prêtres et les Scribes se tenaient là, debout, ne se lassant pas de L’accuser.
Hérode, avec sa garde, couvrit Jésus de mépris. Il Le fit affubler d’une robe blanche et s’en amusa. Puis il Le renvoya à Pilate.
Et, de ce jour, Hérode et Pilate devinrent amis, d’ennemis qu’ils étaient auparavant.

XIII. — BARABBAS

(Saint Matthieu 27, 15-23, 26; Saint Marc 15, 6-15; Saint Luc 23, 13-25; Saint Jean 18, 39-40.)
Pilate fit approcher les Princes des prêtres, les magistrats et le peuple, et leur adressa ces paroles:
«Vous m’avez présenté cet homme, comme soulevant la nation; voilà cependant que je L’ai interrogé devant vous, et je n’ai trouvé en Lui aucun sujet de condamnation sur les chefs dont vous L’accusez. Hérode, à qui je vous ai renvoyés, n’a rien relevé non plus. Il n’y a donc rien d’établi contre Lui, qui mérite la mort. C’est pourquoi je vais Lui faire infliger un châtiment et Le mettre ensuite en liberté.»
Or, c’était l’usage, au jour de la fête, que le Gouverneur leur accordât la délivrance d’un prisonnier, qu’eux-mêmes lui désignaient. Un malfaiteur insigne, appelé Barabbas, se trouvait alors en prison. Il était enchaîné avec les séditieux, pour avoir tué un homme dans une révolte.
En ce moment, le peuple se présenta devant le prétoire et réclama la grâce que le Gouverneur accordait toujours.
Ayant fait approcher la foule, Pilate prit la parole et dit:
«C’est la coutume que je vous délivre un prisonnier, à la fête de la Pâque, voulez-vous que j’élargisse le Roi des Juifs?... Lequel voulez-vous, de Barabbas ou de Jésus, qu’on appelle le Christ?»
Il savait bien, en effet, que les Grands-Prêtres ne Le lui avaient livré que par envie.
Cependant sa femme lui envoya dire, tandis qu’il siégeait sur son tribunal: «Ne vous commettez pas dans la cause de ce Juste, car aujourd’hui j’ai souffert étrangement en songe, à Son sujet.»
Mais les Pontifes, les Princes des prêtres et les Anciens avaient travaillé le peuple, et l’avaient excité à réclamer l’élargissement de Barabbas et la mort de Jésus.
Aussi, quand le Gouverneur renouvela sa question:
«Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre?»
Ce fut une explosion unanime dans la foule:
«Barabbas! Non pas Celui-ci, mais Barabbas! Enlevez Celui-ci et donnez-nous Barabbas!
— Mais que ferai-je de Jésus, de ce Roi des Juifs, appelé le Christ?» répliqua Pilate.
Tous redoublèrent leurs cris:
«Qu’Il soit crucifié!
— Mais enfin, quel mal a-t-Il donc fait?» insista le Gouverneur.
Les Juifs criaient toujours plus fort:
«Qu’Il soit crucifié!»
Pilate était décidé à délivrer Jésus. Il leur parla de nouveau. Mais les clameurs devenaient de plus en plus violentes:
«Crucifiez-Le! Crucifiez-Le!»
Une troisième fois il leur dit:
«Qu’a-t-Il fait de mal? Je ne trouve rien en Lui qui mérite la mort; je Le châtierai donc, puis je Le renverrai.»
Mais ils s’acharnaient et demandaient à grands cris, qu’Il fût crucifié, et leurs vociférations s’élevaient toujours plus menaçantes.
Alors Pilate, voulant donner satisfaction au peuple, fit élargir Barabbas, le prisonnier rebelle et assassin qu’ils réclamaient, et abandonna Jésus à leur merci.

Jésus couronné d'épines

XIV. — FLAGELLATION ET COURONNEMENT D’ÉPINES

(Saint Matthieu 27, 26-30; Saint Marc 15, 15-19; Saint Luc 23, 24-25; Saint Jean 19, 1-3.)
Pilate prit Jésus et Le fit d’abord flageller. Ensuite, les soldats Le traînèrent dans la cour du prétoire, réunissant autour de Lui la cohorte entière. L’ayant dépouillé de Ses vêtements, ils Le couvrirent d’un manteau de couleur écarlate. Puis ils tressèrent une couronne avec des épines, et l’enfoncèrent sur Sa tête. Dans Sa main droite, ils mirent un roseau. Après quoi, faisant devant Lui des génuflexions dérisoires, ils Le raillèrent en répétant:
«Salut! Roi des Juifs!»
Ils Lui donnaient des soufflets, Lui crachaient au visage et, prenant le roseau, ils Lui en assénaient des coups sur la tête.

XV. — ECCE HOMO

(Saint Marc 15, 16-19; Saint Jean 19, 4-11.)
Quand les soldats romains eurent fini de s’amuser de Jésus ils Le conduisirent au prétoire.
Pilate sortit de nouveau, et dit au peuple:
«Voici que je vous Le présente encore une fois, pour que vous sachiez bien que je ne trouve en Lui aucun sujet de condamnation.»
Et Jésus parut en effet, portant la couronne d’épines et couvert du manteau écarlate.
«Voilà l’Homme!» dit Pilate.
Dès qu’ils Le virent, les Pontifes et les satellites jetèrent ce cri:
«Crucifiez-Le! Crucifiez-Le!
— Prenez-Le donc vous-mêmes, et crucifiez-Le! s’écria Pilate. Quant à moi je ne Le trouve nullement condamnable.
— Nous avons une Loi, répliquèrent les Juifs et, selon notre Loi, il faut qu’Il meure! parce qu’Il Se donne comme le Fils de Dieu.»
A cette parole, Pilate fut encore saisi d’un plus grand effroi. Étant rentré dans le prétoire, il dit à Jésus:
«D’où viens-Tu?»
Jésus ne lui fit aucune réponse.
«Tu ne me parles pas? reprit Pilate. Ignores-Tu que j’ai le pouvoir de Te faire crucifier, et que j’ai aussi le pouvoir de Te délivrer?
— Tu n’aurais sur Moi aucun pouvoir, répondit Jésus, si tu ne l’avais reçu d’En-Haut. Et c’est ce qui aggrave le crime de celui qui Me livre à toi.»

XVI. — LA CONDAMNATION

(Saint Matthieu 27, 24-25, 31; Saint Marc 15, 20; Saint Jean 19, 12-16.)
Plus que jamais Pilate cherchait à délivrer Jésus.
Mais les Juifs redoublèrent leurs clameurs:
«Si tu Le délivres, tu n’es pas l’ami de César: car quiconque se fait roi, s’élève contre César.»
Pilate, entendant ces cris, fit amener Jésus dehors, et s’assit sur son tribunal, au lieu appelé en grec: Lithostrotos (estrade de pierre) et en hébreu: Gabbatha (la terrasse). On approchait de la sixième heure (midi) de la veille de la Pâque.
Pilate dit aux Juifs:
«Voici votre Roi!
— À mort! à mort! crucifiez-Le! crièrent-ils.
— Quoi donc? reprit Pilate, crucifierai-je votre Roi?»
Les Pontifes répliquèrent:
«Nous n’avons d’autre roi que César!»
Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, et que le tumulte allait croissant, se fit apporter de l’eau et, se lavant les mains devant le peuple, il dit:
«Je suis innocent du sang de ce Juste; vous en répondrez!»
Et tout le peuple de vociférer:
«Que Son sang retombe sur nous et sur nos enfants!»
Alors Pilate ordonna qu’il fût fait selon la volonté des Juifs, et il leur abandonna Jésus pour être crucifié.
Après s’être encore joués de Lui, les soldats Lui arrachèrent le manteau écarlate, Lui rendirent Ses vêtements et L’entraînèrent hors de la ville pour Le crucifier.

Jésus chargé de Sa croix, tableau O.D.M.

XVII. — LA VOIE DU CALVAIRE

(Saint Matthieu 27, 32-34; Saint Marc 15, 21-23; Saint Luc 23, 26-33; Saint Jean 19, 17.)
Jésus, chargé de Sa croix, Se mit donc en marche vers le lieu appelé Calvaire, ou en hébreu Golgotha. Après Lui marchaient deux malfaiteurs, qui allaient subir la peine de mort.
Comme le cortège allait sortir de la ville, les soldats rencontrèrent un certain Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus, qui revenait de sa métairie. Ils le réquisitionnèrent, lui mirent la croix sur les épaules et le contraignirent à la porter derrière Jésus.
Une foule immense suivait, ainsi que des femmes qui pleuraient et se lamentaient.
Jésus Se retourna vers elles.
«Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur Moi, dit-Il; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. Voici venir des jours où l’on dira: «Heureuses les stériles! heureuses les entrailles qui n’ont point engendré et les mamelles qui n’ont point allaité»... Alors on criera aux montagnes: «Tombez sur nous!» et aux collines: «Ensevelissez-nous!» Car, si l’on traite ainsi le bois vert, que sera-ce du bois sec?»
On arriva au Calvaire; là, on Lui présenta une coupe de vin mêlé de myrrhe et de fiel. Jésus y porta les lèvres, mais Il refusa de boire.

Jésus flagellé

Cantique: JÉSUS COURONNÉ D’ÉPINES

1
Jésus, ayant avec peine
Pris Ses habits déchirés,
Regardez comme on Le mène
Brusquement, à coups de pied.
Suivons, chrétiens, à la trace
Cet agneau très innocent,
Car, en quelque endroit qu’Il passe,
Il reste teint de Son sang.
2
Comme on ferait d’une bête,
On Le mène à coups de fouets;
Transi de froid, on L’arrête
A la porte du palais.
A peine est-Il dans la salle
Au milieu de ces bandits,
On L’habille à la royale
Pour Le couvrir de mépris.
3
On Lui jette par outrage
Sur le dos un vieux manteau,
En Lui tirant avec rage
Le Sien collé sur Sa peau.
Une pierre très pointue
Lui sert d’un trône royal,
Afin qu’étant mieux en vue
Il reçoive plus de mal.
4
On met dans Ses mains sacrées,
Pour sceptre, un frêle roseau.
Chacun en fait des risées,
En disant: Ha! qu’Il est beau!
On Le couronne d’épines
Avec des coups de bâton,
Un chacun Lui fait des mines,
En hurlant comme un démon.
5
Cette couronne cruelle
Lui transperce le cerveau,
On voit couler Sa cervelle
Avec du sang et de l’eau.
D’un vieux torchon de cuisine
On Lui bande les deux yeux,
Chacun Lui disant: Devine
Qui T’a frappé, malheureux!
6
N’es-Tu pas un faux prophète
Qui veut nous en imposer?
Compagnons, qu’on Le maltraite,
Ne cessons de Le frapper.
Chacun Lui crache au visage
De gros crachats tout pourris
Pour marque de son hommage,
Avec des cris inouïs.
7
On L’adore par risée,
En Lui donnant un soufflet:
Bonjour, ô roi de Judée,
Ah! que Te voilà bien fait!
Il ne reçoit pour harangue
Que des discours impudents,
L’un tire sur Lui la langue
Et l’autre grince des dents.
8
Non, ce ne sont pas des hommes,
Mais des démons furieux.
Les voyez-vous qui L’assomment?
On Le bat à qui mieux mieux.
A cet objet pitoyable,
Ne serons-nous point touchés?
Il n’est que trop raisonnable,
Hélas! c’est pour nos péchés.
9
Il souffre tout et l’endure
Sans même lever les yeux,
Sans qu’Il Se plaigne ou murmure
De ces tourments rigoureux.
Depuis les pieds à la tête
Il est tout froissé de coups.
Ah! si c’était une bête,
Nous Lui compatirions tous!
10
Notre orgueil insupportable
À rechercher les grandeurs
Est le bourreau véritable
Qui Lui cause ces douleurs.
Orgueilleux, viens te confondre.
Voyant ton Dieu méprisé,
Qu’auras-tu donc à répondre,
Toi qui veux être estimé?
11
Notre coeur plein d’amertume
Et d’un cuisant repentir
Comparaisse et se consume
En voyant Jésus souffrir.
Jésus, ayant avec peine
Pris Ses habits déchirés,
Regardez comme on Le mène
Brusquement, à coups de pied.
(Saint Louis-Marie de Montfort)

Lecture du saint Évangile (suite)

Jésus crucifié, tableau O.D.M.

XVIII. — JÉSUS EN CROIX

(Saint Matthieu 27, 35-50; Saint Marc 15, 25-37; Saint Luc 23, 33-46; Saint Jean 19, 18-30.)
Alors ils Le crucifièrent... On était encore dans la troisième heure.
Ils crucifièrent avec Lui les deux voleurs, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche, et Jésus au milieu.
Ainsi s’accomplit la parole de l’Écriture: «Il a été mis au rang des scélérats.»
Pilate avait écrit lui-même l’inscription indiquant la cause du supplice de Jésus; il la fit mettre au haut de la croix. Elle portait ces mots:
JÉSUS LE NAZARÉEN, ROI DES JUIFS
Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où fut crucifié Jésus était près de la ville. Elle était rédigée en trois langues: en hébreu, en grec et en latin. Aussi les Pontifes des Juifs avaient-ils réclamé auprès de Pilate:
«N’écrivez pas: «Roi des Juifs», lui avaient-ils dit; mais bien: «Cet homme Se prétend le Roi des Juifs».
— Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit», avait répliqué Pilate.
Et Jésus disait:
«Père, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font!»
Après L’avoir crucifié, les soldats s’étaient emparés de Ses vêtements, et en avaient fait quatre parts, une pour chacun.
Comme la tunique était sans couture et d’un seul tissu, depuis le haut jusqu’en bas, ils se dirent les uns aux autres:
«Ne la déchirons point, mais tirons au sort à qui elle appartiendra.»
Alors se réalisait ce que dit le Prophète: «Ils se sont partagé Mes vêtements et ils ont tiré Ma robe au sort.»
Ainsi avaient fait les soldats; puis, s’étant assis, ils Le gardaient.

Jésus crucifié, tableau O.D.M.

Tout autour, se tenait une grande foule de peuple, avec les chefs, regardant Jésus et Le raillant. Les passants aussi Le blasphémaient; ils Lui disaient, en branlant la tête:
«Eh bien! Toi qui détruis le Temple de Dieu et le rebâtis en trois jours, sauve-Toi donc Toi-même! Si Tu es le Fils de Dieu, descends de la croix!»
Les Pontifes, les Princes des prêtres, les Scribes et les Anciens L’accablaient également de leurs mo­- queries:
«Il a sauvé les autres, se disaient-ils entre eux, et Il ne peut Se sauver Lui-même! S’Il est le Christ, le Roi d’Israël, qu’Il descende maintenant de la croix! et alors nous croirons en Lui. Il a mis en Dieu Sa con­fiance: que maintenant Dieu Le délivre, s’Il L’aime! N’a-t-Il pas dit: «Je suis le Fils de Dieu?»
Les soldats eux-mêmes ne Lui épargnaient pas leurs insultes: ils s’approchaient de la croix et Lui offraient du vinaigre en Lui disant:
«Sauve-Toi donc, si Tu es le Roi des Juifs!»
Il n’y avait pas jusqu’aux voleurs, crucifiés avec Lui, qui ne Le couvrissent de leurs sarcasmes.
Mais bientôt, tandis que l’un des deux continuait de blasphémer en disant:
«Si Tu es le Christ, sauve-Toi! et nous avec Toi!»
L’autre le reprit hautement en ces termes:
«N’as-tu donc aucune crainte de Dieu, toi qui subis le même tourment? Pour nous, c’est justice; nous recevons la peine méritée par nos crimes. Mais Celui-ci n’a fait aucun mal.»
Puis, s’adressant à Jésus:
«Seigneur, Lui dit-il, souvenez-Vous de moi quand Vous serez arrivé dans Votre Royaume!»
Jésus lui répondit:
«En vérité Je te le déclare: aujourd’hui même tu seras avec Moi dans le Paradis.»
Près de la croix, se tenaient debout, Sa Mère, et la soeur de Sa Mère, Marie, femme de Cléophas, et Marie-Madeleine.
Jésus regarda Sa Mère et, debout près d’Elle, le Disciple qu’Il aimait, et Il dit à Sa Mère:
«Femme, voilà Votre fils!»
Puis Il dit au Disciple:
«Voilà ta Mère!»
Et dès lors le Disciple La recueillit dans sa demeure.
On était dans la sixième heure, quand Jésus fut crucifié; et depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, (trois heures) les ténèbres se répandirent sur le monde entier. Le soleil avait perdu toute sa lumière.
Vers la neuvième heure, Jésus fit entendre ce cri, d’une voix déchirante:
«Eli! Eli! lamma sabacthani!»
Ce qui signifie:
«Mon Dieu! Mon Dieu! Pourquoi M’avez-Vous donc abandonné?»
«Le voilà qui appelle Élie», dirent quelques-uns de ceux qui étaient là.
Jésus crucifié, tableau O.D.M.

Voyant que les oracles des Prophètes étaient accomplis, Jésus réalisa le dernier. Il dit:
«J’ai soif!»
Il y avait là un vase plein de vinaigre. L’un des gardes courut prendre une éponge, l’imbiba de vinaigre, et l’attachant à une tige d’hysope, il l’éleva jusqu’aux lèvres de Jésus.
Les autres disaient:
«Laisse donc! Nous verrons si Élie vient Le délivrer.
— Laissez-moi vous-mêmes! répliqua celui qui Lui offrait le vinaigre. C’est justement pour voir si Élie viendra Le descendre de la croix.»
Jésus aspira le vinaigre, et dit:
«Tout est consommé!»
Puis Il S’écria d’une voix forte:
«Père ! Je remets Mon âme entre Vos mains!»
En prononçant ces paroles, Il inclina la tête et Il expira...
(Ici l'on fait une pause de quelques instants.)

XIX. — LES PRODIGES QUI SUIVENT LA MORT DE JÉSUS. LES SAINTES FEMMES

(Saint Matthieu 27, 51-56; Saint Marc 15, 38-41; Saint Luc 23, 45-49.)
Soudain, le voile du Temple se déchira par le milieu, depuis le haut jusqu’en bas; la terre trembla, les rochers se fendirent, des sépulcres s’ouvrirent, et plusieurs corps de saints, qui étaient morts, se levèrent. Sortant ressuscités de leurs tombeaux, ils vinrent dans la Ville Sainte et apparurent à un grand nombre après la résurrection de Jésus.
Le Centurion qui se tenait en face de la croix, entendant le cri puissant de Jésus au moment où Il expirait, et voyant tout ce qui arrivait, rendit gloire à Dieu et s’écria:
«Cet Homme était vraiment le Fils de Dieu!»
Et ceux qui gardaient Jésus avec lui, saisis d’effroi au spectacle du tremblement de terre et des autres prodiges, dirent à leur tour:
«Oui! cet homme était un Juste! C’était bien le Fils de Dieu!»
Et toute la foule, accourue pour voir mourir Jésus, dans le saisissement que lui causaient toutes ces choses, retournait à Jérusalem en se frappant la poitrine.
Quant à ceux qui étaient de la connaissance de Jésus, ils se tenaient debout, à l’écart, observant de loin ce qui se passait. De loin aussi, regardaient les femmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée. Parmi celles-ci se trouvaient Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques le Mineur et de Joseph et Salomé, qui L’avaient accompagné et servi, lorsqu’Il était en Galilée. Il y en avait encore beaucoup d’autres qui étaient venues avec Lui jusqu’à Jérusalem.

XX. — LE COUP DE LANCE

(Saint Jean 19, 31-37.)
C’était la veille du sabbat. Pour que les corps ne demeurassent pas en croix le lendemain, qui était le sabbat le plus solennel, les Juifs sollicitèrent Pilate d’ordonner qu’on rompit les jambes aux suppliciés et qu’on enlevât leurs corps.
Des soldats vinrent donc, et rompirent les jambes du premier larron et de l’autre qui avaient été crucifiés avec Lui. Arrivés à Jésus, et constatant qu’Il était mort, ils ne Lui brisèrent pas les jambes. D’un coup de lance, l’un d’eux Lui ouvrit le côté, et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Celui qui l’a vu en rend témoignage, et son témoignage est vrai, et il sait qu’il dit la vérité, afin que vous croyiez vous aussi.
Tout se passa ainsi pour que fût réalisée cette parole de l’Écriture: «Vous ne briserez aucun de Ses os»; et cette autre: «Celui qu’ils ont transpercé, ils Le verront!»

Jésus au tombeau, statue O.D.M.

XXI. — LA DESCENTE DE CROIX ET LA SÉPULTURE

(Saint Matthieu 27, 57-61; Saint Marc 15, 42-47; Saint Luc 23, 50-56; Saint Jean 19, 38-42.)
Comme on était au soir, arriva Joseph, riche habitant d’Arimathie, ville de Judée. C’était un homme bon et juste, qui attendait lui aussi le Royaume de Dieu, car il était Disciple de Jésus, mais en secret, par crainte des Juifs. Décurion fort estimé, il n’avait consenti, ni au complot, ni aux actes des autres.
Il était allé droit à Pilate et lui avait réclamé hardiment le corps de Jésus. Pilate, surpris qu’Il eût sitôt succombé, avait fait venir le Centurion et lui avait demandé si vraiment Jésus était déjà mort. Sur la réponse affirmative du Centurion, il avait ordonné que le corps fût remis à Joseph.
Nicodème, celui qui, dès le commencement, avait visité Jésus durant la nuit, était venu également, apportant un mélange de myrrhe et d’aloès, du poids d’environ cent livres.
Joseph, qui avait acheté un linceul de toile très fine, détacha Jésus de la croix; puis tous deux Le couvrirent du linceul, L’enveloppèrent de bandelettes avec des parfums et L’ensevelirent, selon la coutume des Juifs.
Près de l’endroit où Jésus avait été crucifié, se trouvait un jardin, et dans ce jardin, un sépulcre appartenant à Joseph. Ce sépulcre, creusé dans le roc, était neuf et n’avait encore servi à personne. Comme le jour préparatoire au Grand Sabbat finissait, et que ce sépulcre était proche, ils y déposèrent le corps de Jésus. Enfin, ayant roulé ensemble une grosse pierre à l’entrée du monument, ils s’éloignèrent, lorsque déjà les étoiles commençaient à luire.
Assises en face du sépulcre, Marie-Madeleine, Marie, mère de Joseph, ainsi que les femmes qui étaient venues de Galilée avec Jésus, considéraient le tombeau, et virent de quelle manière on y plaça le corps du Seigneur.
Elles se retirèrent ensuite, dans l’intention de préparer les aromates et les parfums; mais, fidèles à la Loi, elles demeurèrent en repos durant toute la journée du Sabbat.