Dix-neuvième Dimanche après la Pentecôte - La robe nuptiale

La robe nuptiale
« Comment es-tu entré sans avoir la robe nuptiale? »

Considérations

« Comment es-tu entré sans avoir la robe nuptiale? » (Évangile)

C’est vers cette époque (5e dimanche de septembre) que la liturgie fait lire à l’office divin l’histoire d’Esther. Nous pensons donc utile, pour revoir chaque année avec l’Église toutes les figures de l’Ancien Testament et pour continuer à étudier les dimanches après la Pentecôte en fonction du Bréviaire, de parler d’Esther aujourd’hui. — Assuérus, roi de Suze en Perse (482-472 avant Jésus-Christ), avait épousé une jeune juive, Esther, nièce de Mardochée. Il avait nommé d’autre part comme intendant du palais royal un certain amalécite du nom d’Aman, connu pour sa haine contre les Juifs. Cet intendant, jaloux de Mardochée, fit croire au roi que les Juifs conjuraient contre la paix du royaume et obtint un décret en vertu duquel ils seraient tous mis à mort le même jour dans toute l’étendue de l’empire. Parmi les Juifs ce fut la consternation, et Mardochée supplia Esther d’intervenir auprès du roi, bien que celui-ci ait défendu sous peine de mort, à qui que ce soit, de s’approcher de lui sans avoir été mandé. « Que les Juifs, fit-elle répondre, s’abstiennent de nourriture pendant trois jours et trois nuits; moi-même j’observerai ce jeûne dans toute sa rigueur, et alors, bravant le danger, je me présenterai devant le roi ». Après trois jours, Esther sollicita du roi la faveur de bien vouloir accepter de prendre part avec Aman à un festin qu’elle avait préparé. Le roi y consentit, et au cours de ce banquet Esther dit au roi: « Nous avons été livrés, moi et mon peuple, pour être foulés aux pieds, pour être égorgés et exterminés ». Assuérus apprenant qu’Esther était juive et que Mardochée était son oncle, lui dit: « Qui ose faire cela? » Esther répondit: « Notre adversaire et notre ennemi, c’est ce cruel Aman ». Le roi, irrité contre son ministre, se leva et ordonna qu’Aman fût pendu à la potence préparée pour Mardochée; on l'y pendit sur l’heure et l’édit promulgué contre les Juifs fut révoqué. Esther avait sauvé son peuple.

Ce récit biblique montre comment Dieu veillait sur le peuple élu. Les choses n’ont pas changé: Je suis le salut du peuple, dit le Seigneur; en quelque tribulation qu’ils M’appellent, Je les exaucerai et Je serai leur Dieu à jamais. (Intr.) « Quand je marcherai en pleine détresse, Vous me garderez la vie. Seigneur; contre la colère de mes ennemis, vous étendrez la main et Votre droite me sauvera. » (Off.) Le psaume de la communion parle du juste opprimé par le malheur et que Dieu n’abandonne pas; celui du GradueL montre comment, répondant à l’appel de ceux qui espèrent en Lui, Dieu fait tomber les pécheurs dans leur propre filet; et celui de l'Alléluia chante toutes les merveilles que le Seigneur a faites pour délivrer Son peuple. Tout cela s’était réalisé déjà pour les Juifs, mais ce n’était là qu’une figure de ce que Dieu ne cesse de faire à l’égard de Son Église et qu’Il fera d’une façon plus éclatante encore à la fin des temps.

Aman, qu’Assuérus condamna si sévèrement était comme cet homme, qui entré au banquet des noces dont parle l'évangile, fut expulsé par le roi dans les ténèbres extérieures parce qu’il n’avait pas la robe nuptiale, c’est-à-dire « parce qu’il n’avait pas revêtu l’homme nouveau créé à la ressemblance de Dieu dans la justice et la sainteté véritables. » (Ép.) Dieu traitera de la sorte tous ceux qui, appartenant au corps de l’Église par la foi de leur baptême, sont entrés dans la salle du festin sans pratiquer les vertus chrétiennes; n’étant pas vivifiés par la grâce sanctifiante, ils n’appartiennent pas à l'âme du corps mystique du Christ. Le grand précepte de la charité est ici particulièrement visé: Rejetant le mensonge, dit S. Paul, que chacun de vous dise la vérité lorsqu’il parle à son prochain, car nous sommes les membres les uns des autres. Que le soleil ne sé couche pas sur votre colère. (Ép.) Ceux qui n’auront pas accompli ce précepte seront jetés par le souverain Juge dans les supplices de l’enfer.

Assuérus en colère fit pendre Aman. « Le roi, explique de même l'évangile, entra en colère, il envoya ses armées exterminer ces meurtriers et brûla leur ville »: plus d’un million de Juifs moururent lors du siège de Jérusalem par Titus, général des armées romaines; la ville fut détruite et le Temple incendié. Aman infidèle fut remplacé par Mardochée. Les invités aux noces furent remplacés par ceux que les serviteurs trouvèrent dans les carrefours. Les Juifs furent remplacés par les païens. C’est vers ces derniers que les Apôtres, remplis de l’Esprit-Saint aux fêtes de la Pentecôte, se sont tournés; et au jugement dernier, qu’annoncent les derniers dimanches du Cycle, ces sanctions seront définitives: les élus prendront part aux noces éternelles, et les damnés seront précipités dans les ténèbres extérieures et dans les flammes vengeresses où il y aura des pleurs et des grincements de dents.

Liturgie de la Messe

Introït

Je suis le salut du peuple, dit le Seigneur. Quelles que soient leurs tribulations, s’ils M’invoquent, Je les exaucerai et Je serai leur Dieu à jamais. — (Ps. 77, 1) Mon peuple, écoute Ma loi: prête l’oreille aux paroles de Ma bouche. Gloria Patri.

Collecte

Oraison. — Dieu tout-puissant et miséricordieux, éloignez, dans Votre bonté, tout ce qui peut nous nuire, afin que, dégagés d’âme et de corps, nous puissions, d’un cœur libre, Vous servir sans contrainte. Par Jésus-Christ, Votre Fils, N.-S...

Il faut, dit S. Paul, se dépouiller du vieil homme comme on ôte un vieux vêtement et se revêtir du Christ comme on met un vêtement nouveau. (Chez les anciens, « revêtir un vêtement » c’était entrer dans l’état ou la fonction dont ce vêtement n’était que le symbole extérieur; « revêtir le Christ », c’est donc renoncer aux passions, à toutes les convoitises dont nous avons hérité comme enfants d’Adam et vivre désormais de la vie même du Christ et conformément à la loi de charité qu’Il nous a donnée.

Épître

Lecture de l’Épître du bienheureux Apôtre Paul aux Éphésiens (4, 23-28)
Frères, renouvelez-vous dans l’esprit de votre intelligence, et revêtez l’homme nouveau, créé selon Dieu dans la justice et la sainteté véritables. C’est pourquoi, renonçant au mensonge, que chacun de vous dise la vérité à son prochain, puisque nous sommes membres les uns des autres. Si la colère monte en vous, ne péchez point: que le soleil ne se couche pas sur votre colère, ne donnez pas prise au diable. Que celui qui dérobait ne dérobe plus; qu’il s’occupe plutôt, en travaillant des mains, à quelque bon ouvrage, pour avoir de quoi donner à celui qui est dans le besoin.

Réflexion sur l'Épître

La vie chrétienne est une vie de renouvellement, de travail intérieur sur soi-même. Il s’agit de reproduire en nous la justice et la sainteté de Jésus-Christ, notre modèle. Or le mensonge, la colère, la rancune, le vol, l’oisiveté, sont des vices aussi contraires à Son esprit qu’à Ses exemples. Dans nos rapports avec le prochain, que la vérité et la douceur soient donc toujours sur nos lèvres. Nous sommes par la foi les membres d’un même corps, dont Jésus-Christ est le Chef: sachons nous respecter et nous aimer les uns les autres. Si un de nos frères nous blesse et nous outrage, apaisons nos ressentiments, quelque légitimes qu’ils apparaissent; pardonnons tout, évitons de nous endormir dans une pensée de vengeance et d’inimitié: ce serait donner entrée au démon dans notre cœur. Si nous avons nous-même quelque injustice à nous reprocher envers les autres, appliquons-nous avec ardeur au travail, afin de restituer; et, pour mieux réparer notre faute, trouvons encore moyen de soulager du fruit de nos sueurs les souffrances du pauvre. (Abbé Janvier)

Graduel

(Ps. 140, 2) Que ma prière monte devant Vous, Seigneur, comme l’encens; l’élévation de mes mains, comme le sacrifice du soir.

Alléluia, alléluia. (Ps. 101, 2) ℣. Louez le Seigneur et invoquez Son nom; publiez Ses œuvres parmi les nations. Alléluia.

« Dieu le Père, dit S. Grégoire, a fait les noces de Dieu Son Fils, lorsqu’Il L’unissait à la nature humaine dans le sein de la Vierge, et plus encore lorsqu’au moyen de l’Incarnation Il Lui a uni la Sainte Église. Il a envoyé deux fois Ses serviteurs pour inviter Ses amis aux noces : les prophètes, qui ont annoncé l’Incarnation du Fils de Dieu comme devant arriver, et les Apôtres qui L’ont présentée comme étant un fait accompli. À la dernière heure, l’Église, qui pour le moment reçoit indistinctement quiconque se présente, fera la discrimination des bons et des méchants. Lorsqu’on est invité aux noces de ce monde, on change de costume pour montrer qu’on participe à la joie de l’épouse et de l’époux; nous qui prenons part aux noces du Verbe, qui avons foi en l’Église, qui nous nourrissons des Saintes Écritures et qui nous réjouissons de l’union de l’Église avec Dieu, revêtons donc notre cœur de la robe écarlate de la charité qui est la véritable robe nuptiale réclamée par Dieu. » (Homélie de matines)

Jetez-le dans les ténèbres extérieures

Évangile

Suite du saint Évangile selon saint Matthieu (22, 1-14).
En ce temps-là, Jésus, parlant en paraboles aux princes des prêtres et aux pharisiens, leur disait: « Le royaume des cieux est semblable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs convier aux noces les invités, mais ils ne voulurent pas venir. Il envoya une seconde fois d’autres serviteurs en leur disant : Dites aux invités: J’ai préparé mon festin, mes bœufs et mes bêtes grasses sont tués: tout est prêt, venez aux noces. Mais ils n’en tinrent aucun compte et s’en allèrent l’un à son champ, l’autre à ses affaires. D’autres se saisirent de ses serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. À cette nouvelle, le roi se mit en colère et envoya ses troupes pour exterminer ces meurtriers et brûler leur ville. Alors il dit à ses serviteurs: Les noces sont prêtes, les invités n’en étaient pas dignes; allez donc aux carrefours et tous ceux que vous trouverez, invitez-les aux noces. Ses serviteurs, s’en allant par les rues, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, bons et mauvais, et la salle des noces fut remplie de convives. Le roi entra pour voir les convives et vit un homme qui n’avait pas revêtu de robe nuptiale. Il lui dit: Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir de robe nuptiale? L’autre resta muet. Alors le roi dit aux serviteurs: « Liez-lui les mains et les pieds et jetez-le dans les ténèbres extérieures; là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » — Credo.

Réflexion sur l'Évangile

Le bonheur du Ciel, voilà les noces éternelles, que Dieu prépare à la gloire de Son Fils; voilà le festin, où les élus seront rassasiés de délices. Nous y sommes tous invités, riches ou pauvres, savants ou ignorants. Et quels moyens Dieu n’emploie-t-Il pas, pour nous y faire arriver! Il nous sollicite par Sa grâce; Il nous instruit et nous presse, par la voix de Ses ministres et de Son Église. Mais, ô incroyable folie des hommes! à ce bien éternel et infini, on préfère un vil intérêt, ou le plaisir d’un moment. On va jusqu’à étouffer en soi les mouvements de la grâce, jusqu’à mépriser les voix amies, qui nous rappellent nos devoirs. D’autres se mettent peu en peine d’avoir, pour le grand jour, la robe nuptiale, c’est-à-dire l’innocence du cœur, la parure des vertus chrétiennes. Dieu ne néglige aucun moyen de nous sauver; si nous nous perdons malgré Lui, à quels châtiments ne devons-nous pas nous attendre? Au lieu de la paix et de la liberté du Ciel, l’esclavage des démons! Au lieu du séjour de la lumière, l’affreux empire des ténèbres! Au lieu de la joie d'un festin éternel, des pleurs et des grincements de dents, qui ne finiront point! Ah! voulons-nous être du petit nombre des élus? Correspondons fidèlement à la grâce, et vivons d’une manière digne de notre sublime vocation. (Abbé Janvier)

Sources: Missel quotidien et vespéral, par Dom Gaspar Lefebvre et les Bénédictins de l'Abbaye de St-André, Apostolat Liturgique, Bruges, 1951
Épîtres et Évangiles des dimanches et des principales Fêtes de l’année, avec des Réflexions, par M. l’abbé Pierre-Désiré Janvier, Doyen du Chapitre de l’Église métropolitaine de Tours, Maison Mame, 1938