Vingt-deuxième Dimanche après la Pentecôte - Le denier de César

Le denier de César
« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Considérations

« Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Évangile)


Parmi les leçons qui se dégagent des livres des Machabées, que presque chaque année on a aujourd’hui encore en lecture au Bréviaire, une des plus saillantes est le respect sacré des choses de Dieu. Ce qu’on est convenu d’appeler la révolte des Machabées est en réalité un magnifique témoignage de fidélité à Dieu: à Sa loi, aux alliances et aux promesses que Dieu avait faites à Son peuple: c’est tout cela qui menaçait de disparaître et c’est pour le maintenir qu’ils se sont révoltés.

Rendre à Dieu ce qui Lui revient et respecter religieusement en nous tout ce qu’Il y a mis de Lui-même, c’est également la leçon la plus profonde qui se dégage de l’évangile de la messe d’aujourd’hui. — «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.» Prononcée à propos de l’effigie de César sur une pièce de monnaie, cette sentence du Christ est devenue, dans la prédication chrétienne en particulier, le thème de développements singulièrement pressants sur tout ce que nous devons à Dieu en raison des dons incomparables dont Il nous a comblés. «Nous sommes la monnaie de Dieu, frappée à Son effigie, dit saint Augustin, et Dieu réclame Sa monnaie comme César réclame la sienne.»

«Cette image, qui est notre âme, insiste Bossuet, repassera un jour par les mains et devant les yeux de Jésus-Christ. Il dira encore une fois en nous regardant: de qui est cette image et cette inscription? et notre fond lui répondra: de Dieu. C’est pour Lui que nous étions faits: nous devions porter Son empreinte. Le baptême la devait avoir réparée, et c’était son effet et son caractère. Mais que sont devenus ces divins traits que nous devions porter? L’image de Dieu devait être dans ta raison, ô âme chrétienne! toi, tu l’as noyée dans l’ivresse; toi, tu l’as plongée dans l’amour des plaisirs; toi, tu l’as livrée à l’ambition; toi, tu l’as rendue captive de l’or, ce qui est une idolâtrie; toi, tu l’as sacrifiée à ton ventre dont tu as fait un Dieu; toi, tu lui as fait une idole de la vaine gloire: au lieu de louer et de bénir Dieu nuit et jour, elle s’est louée et admirée elle-même. En vérité, en vérité, dira le Sauveur, je ne vous connais pas; vous n’êtes pas Mon ouvrage, et je ne vois plus en vous ce que J’y ai mis. Vous avez voulu vous faire vous-même à votre mode: vous êtes l’ouvrage du plaisir et de l’ambition; vous êtes l’ouvrage du diable dont vous avez fait les œuvres, que vous avez fait votre père en l’imitant. Allez avec celui qui vous connaît et dont vous avez suivi les suggestions; allez au feu éternel qui lui a été préparé. Ô juste juge! Où serai-je? Me reconnaîtrai-je moi-même, après que mon Créateur m’aura méconnu?»

C’est ainsi qu’il nous faut interpréter l’évangile, en ce dimanche qui est l'un des derniers de l’année ecclésiastique où l’Église nous rappelle les derniers temps du monde. L'épître parle également des exigences du Sauveur lorsqu’à la fin des temps Il viendra nous juger. Mais plus encourageant que Bossuet, saint Paul rappelle que pour peu que nous nous y prêtions, «Dieu, qui a commencé en nous l’œuvre bonne, en poursuivra l’accomplissement jusqu’au jour du Seigneur»; c’est Dieu qui nous travaille et qui nous sauve, et notre collaboration consiste à mener généreusement notre vie chrétienne, pour être, au jour du Christ, purs, irréprochables, et justes d’une justice qui nous vient de Lui. Si le Seigneur tient compte de nos iniquités, qui pourra subsister devant Lui? (Intr.) Mais le Seigneur est l’appui et le protecteur de ceux qui mettent en Lui leur espérance (Alléluia), et dans Sa miséricorde Il exauce tous ceux qui crient vers Lui. (Comm.)

Profitons de ces rappels du jugement dernier pour renouveler notre confiance en Dieu, et pour nous préparer, par la pratique même de notre vie chrétienne, à nous présenter devant Lui tout transformés par l’œuvre de salut qu’Il y aura accomplie.

Liturgie de la Messe

Introït

(Ps. 129, 3-4) Si Vous prenez garde aux offenses, Seigneur, mon Dieu, qui subsistera? Mais auprès de Vous est le pardon, ô Dieu d’Israël. — (Ps. 129, 1-2) Du fond de l’abîme, je crie vers Vous, Seigneur: Seigneur, écoutez mon appel. Gloria Patri.

Collecte

Oraison. — Dieu, notre refuge et notre force, écoutez l’ardente prière de votre Église: Vous qui suscitez notre piété, donnez-nous d’efficacement obtenir ce que notre foi nous fait demander. Par Jésus-Christ, Votre Fils, N.-S...


Le don de la persévérance dans le bien vient de Dieu. Saint Paul l’implore pour ses fidèles, les Philippiens, qui lui ont toujours été très unis dans ses souffrances et dans ses labeurs apostoliques. Que leur ferveur dans la vie chrétienne grandisse toujours, afin qu’au jour de l’avènement de Jésus, chargés des fruits des bonnes œuvres, ils rendent gloire à Dieu. Cette exhortation de l’Apôtre, l’Église l’adresse aujourd’hui à tous les chrétiens.

Épître

Lecture de l’Épître du bienheureux Apôtre Paul aux Philippiens (1, 6-11)
Mes frères, nous avons confiance dans le Seigneur Jésus, que Celui qui a commencé en vous Son œuvre de bien en poursuivra l’accomplissement jusqu’au jour du Christ Jésus. Et il est juste que j’aie ce sentiment de vous tous, puisque je vous porte dans mon cœur et que, dans mes chaînes comme dans la défense et l'affermissement de l’Évangile, vous participez tous à ma joie. Car Dieu m’est témoin de la manière dont je vous aime tous dans le cœur du Christ Jésus. Et je demande à Dieu que votre charité abonde de plus en plus en connaissance et en pleine intelligence, afin que vous éprouviez ce qui est le meilleur, pour être purs et irréprochables jusqu’au jour du Christ, remplis du fruit de justice par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de Dieu.

Réflexion sur l'Épître

Nous voyons ici un bel exemple de la charité qui doit unir les pasteurs et les fidèles entre eux. Saint Paul se montre pour ses disciples plein de tendresse, de sollicitude, d’espérance. Il les chérit, comme il dit, dans les entrailles de Jésus-Christ, c’est-à-dire d’un amour intime, affectueux et surnaturel, de cet amour dont Jésus-Christ aime les Siens. Il les porte dans son cœur, les offrant continuellement à Dieu dans ses prières et dans ses sacrifices. De leur côté, les fidèles de Philippes consolent et réjouissent l’Apôtre par leur zèle et leur ferveur; ils entretiennent avec lui un commerce de charité, une sorte de correspondance spirituelle; ils prennent part à ses afflictions et à ses joies; ils lui viennent en aide dans les travaux qu’il entreprend pour la propagation de l’Évangile et le salut des âmes. Puisse une telle union revivre de nos jours et se renouveler parmi nous! Heureuses les âmes qui sont ainsi devant Dieu associées pour le bien! Heureux les fidèles qui s’attachent à Dieu en s’attachant à leurs pasteurs par l’exercice de la charité et la pratique des bonnes œuvres! Dieu bénit les uns et les autres, Il exauce les vœux que la piété leur inspire. Pasteurs et fidèles, prions donc en union de cœur et d’esprit. Demandons ce que l’Apôtre mettait au-dessus de tous les biens: un continuel accroissement de charité, une intelligence plus parfaite dans les choses de Dieu, un discernement plus sûr de ce qu’il y a de meilleur pour notre salut, et surtout cette pureté irréprochable des mœurs qui dégage l’âme de l’amour des créatures, lui fait produire avec abondance des fruits de justice et la prépare au glorieux avènement de Jésus-Christ. (Abbé Janvier)

Graduel

(Ps. 132, 1-2) Oui, qu'il est bon et qu’il est doux pour des frères, de vivre ensemble! ℣. C’est comme, sur la tête, le parfum précieux qui descend sur la barbe d’Aaron.

Alléluia, alléluia. (Ps. 101, 2) ℣. Que ceux qui révèrent le Seigneur mettent en Lui leur espérance: Il est leur secours et leur protection. Alléluia.


«Si nous sommes attachés aux biens qui relèvent de César, dit saint Hilaire, nous ne pouvons nous plaindre de l’obligation de rendre à César ce qui est à César. Mais il faut aussi rendre à Dieu ce qui Lui appartient en propre, c’est-à-dire Lui consacrer notre corps, notre âme, notre volonté.» (Matines)

«De qui est cette effigie et cette inscription?» O.D.M. pinxit

Évangile

Suite du saint Évangile selon saint Matthieu (22, 15-21).
En ce temps-là, les pharisiens, s’étant retirés, tinrent conseil sur le moyen de surprendre Jésus dans Ses paroles. Ils Lui envoyèrent leurs disciples, avec des hérodiens, lui dire: «Maître, nous savons que Vous êtes sincère et que Vous enseignez vraiment la voie de Dieu sans Vous inquiéter de personne, car Vous ne tenez pas compte de la condition des gens. Dites-nous donc ce que Vous pensez: Est-il permis ou non de payer l’impôt à César?» Mais Jésus comprit leur mauvaise intention et leur dit: «Pourquoi Me tendez-vous un piège, hypocrites? Montrez-Moi la monnaie de l’impôt.» Ils Lui présentèrent un denier. Et Jésus leur dit: «De qui est cette effigie et cette inscription?» Ils Lui dirent: «De César.» Alors Il leur dit: «Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.» — Credo.

Réflexion sur l'Évangile

Chrétien, tourne les yeux sur toi-même. De qui es-tu l’image? de qui portes-tu l’inscription? – C’est la Vôtre, ô mon Dieu! Car c’est Vous qui nous avez faits; et Vous nous avez faits à Votre image et à Votre ressemblance. Esprit intelligent et immortel, l’âme que Vous avez mise au dedans de nous est l’image de Votre éternelle substance. Douée par Vous de trois facultés essentielles: mémoire, intelligence et volonté, elle porte l’empreinte de Votre Trinité sainte. Le péché était venu corrompre Votre ouvrage, ternir ce rayon de Votre face qui brillait en nous; mais Vous nous avez refaits par Votre grâce: le baptême du Père, du Fils et du Saint-Esprit a imprimé en nous une nouvelle et plus parfaite image de Vous-même. Âme raisonnable, créée à l’image de Dieu et renouvelée par Sa grâce, reconnais donc ton Auteur! D’après l’inscription que tu portes en toi-même, apprends à qui tu appartiens. Tu es doublement redevable à Dieu seul de tout ce que tu es, jusqu’au moindre trait. Garde-toi de te glorifier en toi-même: à Dieu ce qui appartient à Dieu. Que ton étude et ton travail soit de Lui ressembler de plus en plus, de faire tout pour Lui, de Lui rapporter sans cesse les souvenirs de ta mémoire, les pensées de ton intelligence, les affections de ton cœur, de Lui consacrer enfin ton être tout entier! (Abbé Janvier)

Sources: Missel quotidien et vespéral, par Dom Gaspar Lefebvre et les Bénédictins de l'Abbaye de St-André, Apostolat Liturgique, Bruges, 1951
Épîtres et Évangiles des dimanches et des principales Fêtes de l’année, avec des Réflexions, par M. l’abbé Pierre-Désiré Janvier, Doyen du Chapitre de l’Église métropolitaine de Tours, Maison Mame, 1938