Le Cycle liturgique se termine avec cette dernière semaine de l’année ecclésiastique, et avec lui le rappel de l’histoire du monde qu’il nous a retracée depuis ses origines au Temps de l’Avent jusqu’à son terme final en ce dernier dimanche après la Pentecôte.

Le Bréviaire comme le Missel attirent aujourd’hui notre attention sur la fin du monde et le jugement dernier. — «Voici, dit le prophète Michée, que le Seigneur va sortir de sa demeure; les montagnes seront comme consumées sous ses pas, et les vallées s’entrouvriront comme la cire devant le feu et comme les eaux dévalant la pente. Tout cela, à cause du crime de Jacob et des péchés de la maison d’Israël» (in nocturne). Après ces menaces, le prophète continue par des promesses de salut: le Christ naîtra à Bethléem et son royaume, qui est celui de la Jérusalem céleste, n’aura point de fin. Les prophètes Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie, dont on lit les livres à l’office divin pendant la semaine, confirment ce qu’a dit Michée.

Jésus, dans l’évangile, commence par évoquer la prophétie de Daniel qui annonce la ruine totale et définitive du Temple de Jérusalem et de la nation juive par l’armée romaine. Cette abomination de la désolation est le châtiment que le peuple d’Israël a encouru pour avoir mis le comble à son infidélité en rejetant le Christ. On sait comment cette prophétie s’est réalisée quelques années après la mort du Sauveur; la tribulation fut telle à ce moment que si elle avait duré longtemps aucun Juif n’aurait échappé à la mort, mais pour sauver ceux qui se convertirent à la suite d’une si rude leçon Dieu abrégea le siège de Jérusalem. C’est ainsi qu’il fera à la fin du monde dont la destruction de la ville de Jérusalem n’a été que la figure. «Tunc, alors», c’est-à-dire lors de l’avènement du Christ, il y aura des tribulations bien plus angoissantes encore: des imposteurs, parmi lesquels l'Antéchrist, feront des prodiges sataniques pour se faire passer pour le Christ; de nouveau, explique saint Jérôme, l’abomination de la désolation régnera dans le temple, car «l’homme d’iniquité et d’opposition s’élèvera, selon la parole de saint Paul, contre tout ce qui est appelé Dieu et adoré, et il poussera l’audace jusqu’à s’asseoir dans le Temple et se faire passer lui-même pour Dieu», mais ici encore, Dieu abrégera ces temps de malheurs, afin que les élus ne soient pas induits en erreur (3e nocturne).

Au reste ne vous y méprenez pas, dit le Sauveur, car ce ne sera pas, comme la première fois, dans les voiles du mystère et dans un petit coin du monde, mais d’une manière éclatante et partout à la fois, que le Fils de l’Homme apparaîtra, avec la rapidité de l’éclair. Alors tous les élus iront à sa rencontre comme les aigles qui se jettent sur leur proie. Son avènement sera marqué par des cataclysmes de toutes espèces dans le ciel et sur la terre, et toutes les tribus de la terre verront dans le ciel le signe éclatant de la croix et le Fils de l’homme venant avec une grande puissance et une grande majesté (Év.). — «Lorsque le désir de pécher vous envahit, commente saint Basile, je voudrais que vous pensiez à ce tribunal redoutable et terrible du Christ, qu’Il présidera, siégeant en juge sur un trône élevé: toute créature alors comparaîtra tremblante en Sa glorieuse présence. Amenés un à un, nous rendrons compte, nous aussi, des actions de notre vie: puis, ceux qui auront commis beaucoup de mal durant leur vie se verront entourés d’anges terribles et hideux qui les précipiteront dans un gouffre profond pour l’opprobre et la confusion sans fin. Craignez tout cela, et pénétrés de cette crainte, servez-vous-en comme d’un frein pour empêcher votre âme de se laisser entraîner à commettre le péché» (2e noct.). Aussi l’Église nous exhorte-t-elle par la bouche de l’Apôtre dans l'épître, à nous conduire d'une manière digne du Seigneur et à fructifier en toutes sortes de bonnes œuvres, afin que, fortifiés par Sa puissance glorieuse, nous supportions tout avec patience et avec joie, remerciant Dieu le Père de nous avoir introduits dans l’héritage par le sang rédempteur de Son Fils bien-aimé.

À la fin des temps, pleinement vainqueur de ses ennemis qui ressusciteront pour leur châtiment, et roi sans conteste de tous les élus qui attendaient Son avènement pour entrer, corps et âme, dans la gloire de l’éternité, le Christ remettra à Son Père ce royaume qu’Il a conquis au prix de Son sang, comme l’hommage parfait du chef et de Ses membres. Et ce sera alors la véritable Pâques le plein passage dans la vraie terre promise, et la prise de possession à tout jamais, par Jésus et par tout Son peuple du royaume de la Jérusalem céleste où dans ce Temple, qui n’est pas fait de main d’homme, règne le Dieu souverain en qui nous mettrons tous notre gloire et dont nous célébrerons le nom à jamais.

Rendons d’immenses actions de grâces à Dieu le Père qui nous a rachetés par Jésus-Christ de l’esclavage du démon et nous a rendus dignes de participer avec Lui à la gloire de Son royaume qui est l’héritage des saints dans la lumière du ciel.

Réflexion sur l'Épître

Voilà ce que saint Paul demandait tous les jours pour les Colossiens, et ce que vous devez continuellement demander à Dieu pour vous et pour les autres. Priez-le donc: 1° de vous donner la connaissance de Sa volonté, la première grâce étant de bien savoir ce que Dieu veut de nous; 2° de rendre votre vie conforme à cette connaissance, afin que vous vous conduisiez d’une manière digne de Lui; 3° de vous inspirer le courage de faire tout pour Sa gloire, afin de Lui plaire en toutes choses; 4° de vous faire la grâce de n’être pas dans le champ de Son Église comme un arbre qui n’a que des feuilles et des fleurs sans fruits, mais de joindre aux bonnes pensées et aux saints désirs l’exécution et la pratique; 5° d’augmenter continuellement en vous Sa connaissance et Son amour, par la méditation de Sa parole et l’union habituelle de votre âme avec Lui; 6° enfin, de vous revêtir de Sa force pour que vous supportiez constamment les maux de cette vie. N’oubliez pas non plus de Le remercier de votre baptême, qui a été pour vous le passage des ténèbres à la lumière, de l’esclavage du péché à la liberté des enfants de Dieu, de la tyrannie du démon au royaume de Jésus-Christ. Célébrez chaque année l’anniversaire de cet heureux jour; renouvelez chaque mois les promesses que vos parrains et vos marraines ont faites pour vous; renoncez à Satan, et donnez-vous à Jésus-Christ. (Abbé Janvier)

Jésus est venu dans l'effacement, il reviendra dans la gloire. Son premier avènement eut pour but de préparer au second. Ceux qui l'auront accueilli dans le temps seront accueillis par lui lorsque commencera l'éternité; ceux qui l'auront méconnu seront rejetés. Aussi les prophètes n'ont-ils pas séparé les deux avènements du Messie: ce sont les deux actes d'un même drame divin. De même Notre-Seigneur ne sépare pas la ruine de Jérusalem de la fin du monde, car le châtiment qui frappa les Juifs déicides est la figure du châtiment éternel qui atteindra tous ceux qui auront rejeté le Sauveur. Ce premier avènement a eu lieu, le second s'accomplira: toute notre vie chrétienne doit nous y préparer.

— L'année liturgique se clôt, comme elle avait commencé, par le récit du jugement dernier. La préparation à ces deux avènements de miséricorde et de justice préoccupait l'Église au Temps de l'Avent, car elle non plus ne les sépare jamais; cette préoccupation, qu'elle n'a jamais abandonnée tout au long de l'année, devient prédominante à la fin et passe au premier plan de sa pensée.

Réflexion sur l'Évangile

Ce qu’il y aura de plus dangereux dans ces jours de tribulation, ce sont les faux docteurs qui essayeront de séduire les élus. Or il s’en trouve en tout temps; ils varient leur langage selon les circonstances; de nos jours même, nous les voyons commencer leur œuvre de séduction. Nous sommes avertis, tenons-nous sur nos gardes. Ne nous laissons point éblouir par l’éclat des actions ou par la sublimité des discours. Rejetons tout ce qui est contraire à la doctrine de l’Église, n’écoutons que sa voix, ne lisons avec confiance que ce qu’elle nous met entre les mains. Surtout soyons fermement unis au corps de Jésus: partout où sera le corps, les aigles s’y assembleront. Ces aigles sont les vrais chrétiens qui s’unissent: 1° au corps mystique de Jésus-Christ, c’est-à-dire à ce corps de l’Église formé des pasteurs et des fidèles soumis au même chef, et dont l’enseignement doit nourrir notre foi; 2° au corps immolé de Jésus-Christ, celui qu’on offre chaque jour sur l’autel et dont nos âmes se nourrissent par la communion; 3° au corps glorieux de Jésus-Christ, vers lequel les élus s’élèveront, après la résurrection générale, pour lui demeurer unis et s’en nourrir pendant l’éternité. Que je sois, ô mon Dieu, du nombre de ces aigles spirituels qui se rassembleront autour de Votre Fils pour ne Le quitter jamais! Dès maintenant arrachez-moi de tout ce qui pourrait m’en éloigner. Faites que je me sépare de l’impie et du méchant par une vie sainte et par la persévérance dans Votre amour. (Abbé Janvier)